04/04/2017

 

Berenice est la présidente de l’Association pour la recherche et l’action sociale, Nomadesc, en Colombie et Marcos est l’un des dirigeants de la Comunidad Primavera del Ixcan du Guatemala. Invités par PBI, ils étaient en tournée de plaidoyer en Europe et à Paris du 15 au 18 mars 2017 pour parler de la situation des Droits humains et des Accords de paix dans leurs pays respectifs. 

Dans cette interview, Berenice Celeita et Marcos Ramirez Vargas répondent aux questions de Cyrielle Maison, bénévole de PBI France.

 

Bonjour Berenice et Marcos. Pouvez-vous me parler de vous et de votre travail ?

Berenice : Je suis défenseure des droits humains en Colombie depuis trente ans. J’appartiens à l’association Nomadesc qui est située à Cali et qui travaille avec des autochtones, des paysans et des afrodescendants. Notre travail est concentré sur six axes, les deux principaux sont ceux liés à l’éducation et à la recherche. Notre projet le plus important actuellement est celui de l’Université interculturelle des peuples, nous cherchons à reconstruire les tissus sociaux entre les différentes communautés qui ont souffert de la violence.

Marcos : Je suis originaire d’un village de Huehuetenango. A cause de la pauvreté, ma famille et moi sommes partis en Ixcán. Nous avons vécu là-bas pendant six ans jusqu’à ce que commence la répression de l’Armée, les massacres, tortures et disparitions. Mes parents, mes frères et 19 membres de ma famille ont été tués durant le massacre de Cuarto Pueblo. Pendant que certains sont partis au Mexique et d’autres dans diverses régions du pays, j’ai décidé de rester. En mars-avril 1982 nous sommes partis nous réfugier dans les montagnes. Et c’est à partir du mois de décembre de la même année que nous avons constitué formellement les groupes de populations en résistance.

 

Comment est-ce que PBI vous accompagne dans vos activités en tant que défenseurs des Droits humains ?

B. : Nous travaillons dans quatre régions du sud du pays où nous nous rendons régulièrement. Durant nos voyages, nous avons compté avec la présence de PBI. Ainsi, par exemple, si nous accompagnons des communautés lors de mobilisations, comme dans le cas de Buenaventura, les Brigades accompagnent Nomadesc et nous, nous accompagnons les communautés. Cela forme une sorte de chaîne d’accompagnement qui permet la protection des personnes. Nous ne pourrions pas le faire si nous n’avions pas d’accompagnement de la part de PBI. En effet, Nomadesc est une des rares organisations en Colombie à ne pas avoir accepté une protection de la part de l’État. Nous sommes persuadés que l’État est celui qui est la source des menaces et des actions de persécutions contre les défenseur.e.s des droits humains. Nous pensons que celui qui menace ne peut pas protéger..!

M. : C’est en 1985 qu’une délégation est partie en Europe pour parler des Communautés de Populations en Résistance et de la situation au Guatemala. Nous avons compté sur la présence de comités de solidarités et d’ONG qui nous accompagnèrent sur le terrain ou nous aidèrent depuis l’étranger [Les PBI étaient présentes au Guatemala à partir de 1983]. Un peu plus tard, lorsque j’ai participé aux négociations et aux mobilisations, nous avons pu bénéficier d’un accompagnement de PBI. Enfin, après la signature des Accords de paix le 29 décembre 1996, on m’a nommé pour représenter la population déracinée dans une commission qui avait pour but de vérifier la bonne mise en place de ces Accords pour les populations qui ont été forcées de quitter leurs terres.

 

Comment est-ce que PBI vous permet de mieux être entendus à l’international ? 

B. : L’accompagnement physique de PBI sur le terrain est d’une grande importance lorsqu’il y a des acteurs armés dans les territoires. Quand l’armée sait qu’il y a des personnes appartenant à la communauté internationale, ils agissent d’une manière différente. PBI fait un travail remarquable de dissuasion avec les institutions de l’État, l’Armée, la police et même avec la denfensoría del pueblo qui devrait veiller au respect des droits humains mais qui souvent ne remplit pas sa fonction. Dans des cas difficiles tels que des enquêtes sur des crimes, des exhumations ou des cas de dépossessions, être accompagné par PBI permet de montrer ce qui se passe. Ce que les médias de communication en Colombie ne diffusent pas…

 

Quelles sont les leçons que la Colombie peut apprendre des Accords de paix signés en 1996 au Guatemala ?

M. : Nous nous sommes rendu compte que le gouvernement a signé les Accords de paix, non pas d’une vraie volonté, mais plutôt parce qu’ils voulaient nous aveugler. Le vrai plan était de permettre l’investissement des compagnies étrangères dans le pays. Ce n’est pas seulement le cas au Guatemala mais dans tous les pays riches en ressources naturelles.

B. : On dit qu’il y a beaucoup de différences entre les deux cas, mais je trouve qu’il y a plus de similitudes que de différences. Notamment dans les processus d’organisation et de pédagogie.

M. : Pendant l’interview avec une journaliste de RFI ce matin, nous parlions de Jean Arnault. Il était présent au Guatemala durant la négociation entre la guérilla, les ONG, l’Armée et le gouvernement. Et s’il est aussi dans le processus en Colombie, il y a un risque qu’il fasse un simple copier-coller. Les colombiens devront faire attention aux contenus des Accords. Il y a sans doute des faiblesses mais il faut se concentrer sur les bons côtés. Au Guatemala, il y a eu un plébiscite en mai 1999 pour savoir si le peuple était d’accord pour faire des changements dans la constitution politique. Les gens ont voté non. Qu’est-ce que nous avons fait après ça ? On a commencé à travailler avec des députés, finalement des réformes et des lois ont été adoptées. Nous avons permis qu’il y ait des changements… petit à petit.

 

 

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15/12/2016

Reinaldo Villalba est membre de CCAJAR, une organisation reconnue au niveau national et international qui défend depuis plus de 35 ans les droits humains et lutte contre l’impunité en Colombie, et est accompagné par PBI en Colombie depuis 1995. CCAJAR représente les victimes de cas de violations de droits humains parmi les plus emblématiques de Colombie, dont beaucoup impliquent la responsabilité directe de l’Etat colombien, notamment le massacre de Trujillo, ou les exécutions extrajudiciaires. Reinaldo Villalba a durant sa tournée en France pu rencontrer des avocats du Barreau de Paris, de l’Alliance des Avocats pour les Droits de l’Homme et de l’Union internationale des avocats ainsi que des partenaires associatifs (FIDH, Secours Catholique, ACAT France, TEJE, France Amérique Latine, Collectif Guatemala), le Ministère des affaires étrangères et des médias (France Culture et RFI). Une conférence à la Fondation Jean Jaurès a été organisée le 15 novembre avec des organisations du Réseau France Colombie Solidarités.

Pour Reinaldo Villalba, le nouvel accord de paix, présenté le 12 novembre par le président Santos, tout en apportant quelques changements substantiels, garde l’essence de l’ancien accord, avec le maintien du tribunal spécial pour la paix, élément clé pour les organisations de droits humains et de victimes du conflit.

L’un des points de grande préoccupation actuelle de la société civile colombienne est l’augmentation de la violence politique : ces dernières années ont été marquée par des attaques massives contre toutes les personnes impliquées dans les négociations de paix. En 2016, 70 défenseur.e.s des droits humains ont été assassiné.e.s, dont 30 après le cessez le feu bilatéral entre les FARC et le gouvernement colombien, faisant craindre que la signature de l’accord ne suffise pas à mettre fin à ces violences.

 

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Tournée d'un avocat colombien en novembre

Reinaldo Villalba est membre du Collectif d’Avocats José Alvear Restrepo (CCAJAR), une organisation reconnue au niveau national et international qui défend depuis plus de 35 ans les droits humains et lutte contre l'impunité en Colombie.

CCAJAR représente les victimes de cas de violations de droits humains parmi les plus emblématiques de Colombie, dont beaucoup impliquent la responsabilité directe de l’Etat colombien, notamment les disparus du Palais de Justice, le massacre de Trujillo ou les nombreuses exécutions extrajudiciaires commises par des membres de l’Armée colombienne. 

L’organisation représente également des communautés en litige avec des entreprises transnationales telles que Coca Cola, Chiquita Brands et Nestlé, ou qui s’opposent à des mégaprojets miniers. 

PBI Colombie accompagne CCAJAR depuis 1995, car depuis sa création, les membres de CCAJAR sont régulièrement victimes de menaces, accusations et actes de dénigrement, de stigmatisation, d'actes d’intimidation, de harcèlement et de surveillance, notamment de la part du Département Administratif de Sécurité (DAS).

La situation des défenseur.e.s des droits humains en Colombie est très préoccupante : ces dernières années ont été marquées par des attaques massives contre les membres des organisations de défense des droits humains, du mouvement social, de l’'opposition politique et de divers médias, c’est-à-dire toutes les personnes impliquées dans des activités en lien avec les négociations de paix. L’incertitude dans laquelle est plongé le pays après la victoire du non au référendum fait craindre un regain d’attaques ces prochains mois.

Reinaldo Villalba sera en Europe pour présenter certains cas emblématiques de violations de droits humains en Colombie et les nombreux défis pour la paix après la victoire du non au référendum, notamment l'inquiétante augmentation des attaques contre les défenseur.e.s des droits humains et les membres du mouvement social.

 

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Sur un air de musique Llanera

13/09/2016

Article de Laetitia Suchecki, volontaire française dans l'équipe de Bogotá.

"Mi Casanare bonita, linda tierra encantadora…”1 Le bus démarre à peine et les mélodies traditionnelles des plaines colombiennes nous accompagnent déjà. Dès les premiers kilomètres qui séparent Bogotá de Yopal, Ninfa Crúz, de l´ONG Cos-pacc nous avertit en souriant : rien de mieux pour découvrir les traditions de luttes et de résistance de la région des llanos que par sa musique traditionelle. Nous allons donc profiter des 7 heures de trajet pour nous familiariser, en chansons, avec l´histoire si douloureuse des mobilisations sociales de cette région llanera, entre la Colombie et le Venezuela

En effet, depuis les années 1980, l´histoire du Casanare a été marquée par l'installation sur son territoire de nombreuses compagnies pétrolières. Ninfa m’explique  que l'activité pétrolifère épuise les ressources hydrauliques, détruit chaque jour davantage l'écosystème local 2 et pousse de nombreux paysans à abandonner leurs terres.  Les responsables de mouvements locaux qui osent s'opposer aux multinationales et à leurs alliés sont menacés et assassinés. En novembre 2015, Daniel Abril, responsable paysan de la ville de Trinidad (Casanare), a payé de sa vie son engagement. Il a été assassiné le 13 novembre dans sa ville à Trinidad.

En hommage, l´organisation Cos-pacc a décidé de donner le nom de Daniel Abril à l'école de formation et de recherche environnementale qu´elle a lancée en avril 2016, à destination des communautés et organisations paysannes, indigènes de la société civile qui luttent pour protéger leurs ressources naturelles, leur souveraineté alimentaire et leurs modes de production. L´école de formation et de recherche environnementale D. Abril Fuentes a pour objectif d´enseigner aux responsables du mouvement social du Casanare l´économie de l'extraction des matières premières, la répartition des ressources financières qu'elle entraîne, de présenter ses impacts et d'aider les communautés à s'organiser concrètement pour construire des alternatives de souveraineté, dignité et de bien être.

C’est dans ce contexte que nous accompagnons durant 4 jours Ninfa Cruz, trésorière de l'organisation Cos-pacc pour la préparation et la réalisation de la seconde session de l´école Daniel Abril organisée pour l´occasion à el Morro, un village situé à 20 minutes de Yopal. Organisation sociale de base, Cospacc se consacre à la défense des droits de l´Homme : elle accompagne physiquement et juridiquement les communautés victimes de graves atteintes dans plusieurs régions de Colombie (Casanare, Boyacá, Arauca, Tolima, Cundinamarca y Bogotá D.C.). Elle appuie les processus paysans visant a garantir la souveraineté alimentaire avec la promotion d´un modèle agricole inspiré de l'agriculture biologique. Elle met en œuvre des actions pour rétablir le lien social entre ces communautés en renforçant les processus de solidarité et organise une école permanente consacrée aux droits de l'Homme.

Malgré les difficultés, une cinquantaine de représentants d’organisations de base du Casanare se sont retrouvés durant les 2 journées de l’école Daniel Abril pour apprendre et échanger durant les nombreux ateliers organisés. Cette importante participation est un succès pour Cospacc qui travaille d’arrache pied pour préparer et réaliser la dizaine de session prévues jusqu’en novembre.

Le sourire et la bonne humeur ne quitte pas Martin Ayala, directeur de Cospacc, durant ces deux jours : pour la première fois, l’école réunit non seulement des organisations paysannes, mais également des organisations urbaines de quartier, principalement des organisations de femmes et de victimes des déplacements forcés par le conflit colombien.

De ce que nous apercevons depuis l’extérieur de la salle de classe (car le mandat de PBI nous empêche de participer aux activités des organisations que nous accompagnons), les débats sont nombreux, intenses, et animés par une volonté commune d’apprendre et de construire des propositions collectives. Les « élèves » avec qui nous échangeons sont unanimes sur la pertinence et la nécessité d’organiser cet espace d’éducation populaire : connaître ses droits et l’environnement politique, économique et juridique dans lequel chacun vit pour transformer et améliorer par les actions collectives la réalité quotidienne ou comment aller à l’idéal en passant par le réel.

Cette accompagnement à El Morro est le 2ème que je réalise hors de Bogotá au sein de l’ONG PBI. Pour la première fois, j’ai pu accrocher avec émotion le drapeau de PBI à l’entrée de l’école primaire qui nous héberge. En tant que nouvelle brigadiste de paix, je découvre non seulement un nouveau contexte de travail, mais également de nouvelles pratiques professionnelles qui m’étaient inconnues jusque là. J'apprends a être attentive aux personnes qui suivent nos accompagnés de manière suspecte, que ce soit dans des instants de la vie quotidienne ordinaire comme des courses au supermarché. C’est un nouvel apprentissage : quand on observe des attitudes suspectes qui se répètent 1, 2, 3 ,…, 6 fois, il n’est plus possible de parler de simples coïncidences…Comprendre et toucher le risque que vivent au quotidien les personnes que PBI accompagne, cela amène a être de plus en plus convaincue de la nécessité d´être présent sur le terrain pour garantir leurs espaces de travail.

Car l’accompagnement n’est pas seulement physique, il est aussi émotionnel : un sourire, un regard, un abrazo. Autant de gestes qui comptent tout autant que la présence physique.

Bien sûr, il y a la frustration de ne pas pouvoir participer, aider et participer plus activement à la réalisation des activités que nous accompagnons : notre mandat est clair et nous l'interdit. Mais par notre présence, la protection et la capacité de dissuasion qu'elle implique, nous avons le sentiment si ce n’est d’être utile, du moins d’être là où nous devons être.

A l’issue des 2 journées de formation, l’école Daniel Abril Fuentes se termine, jusqu’à la prochaine session dans quelques semaines. Je mesure à quel point cette école reflète la culture llanera (des plaines) évoquées par les chansons que nous a fait découvrir Ninfa. A l’image de ces chansons, l’école symbolise l’histoire passée et présente des luttes et des résistances des communautés de la région du Casanare, terre historique de métissage entre les différentes ethnies indiennes et du passé colonial de la Colombie.

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1Mi Casanare, canción de Orlando « Cholo » Valderrama
2 http://www.las2orillas.co/el-impacto-de-las-petroleras-en-el-casanare
3Casanare: exhumando el genocidio, Centro de Investigación y Educación Popular (Cinep), Noche y Niebla y Cos-pacc, 31 de octubre de 2009

 

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Le chemin vers la paix en Colombie

05/09/2016

Aujourd’hui en Colombie, après 22 ans d’accompagnement auprès des défenseur.e.s des droits humains dans ce pays, PBI célèbre le fait que nous puissions être témoins de la conclusion d’un accord de paix entre le Gouvernement colombien et les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC).  C’est une avancée fondamentale après plus de 50 ans de conflit armé et huit millions de victimes du conflit [1], dont la majorité sont des civils [2]. C’est un pas immense vers une société moins violente, plus respectueuse des droits humains, et, nous l’espérons, plus de justice. Le gouvernement et les FARC se sont engagés à ce que dorénavant “soient rompus tous liens entre la politique et l’usage des armes”[3].

PBI travaille dans le monde entier pour ouvrir des espaces pour la paix et faire face de manière non violente aux conflits. PBI croit que les défenseur.e.s des droits humains ont un rôle fondamental et indispensable à jouer dans la transformation des sociétés où ont lieu des conflits violents en des sociétés en paix et où il existe une justice sociale. La paix signée aujourd’hui en Colombie a été le fruit d’un travail de négociation de quatre ans entre le Gouvernement et les FARC, mais elle a surtout été le produit de décennies de lutte et de travail des organisations de droits humains, des organisations de victimes et d’autres mouvements sociaux colombiens. En tant que société civile, ils ont fait de nombreuses propositions de changement, lesquelles se retrouvent pour beaucoup dans l’Accord Final signé aujourd’hui. PBI Colombie est fière d’avoir accompagné ces défenseur.e.s lors de ce travail long, difficile et dangereux qui a coûté la vie à nombre d’entre eux.

La signature de cet Accord ne signifie pas pour autant la fin de l’histoire : c’est au contraire le début d’un processus encore plus important. Cet Accord comporte de grandes avancées pour améliorer les garanties concernant la défense des droits humains et pour faire advenir une société plus juste. Il inclue des mécanismes pour mettre à jour la vérité historique concernant les graves crimes perpétrés durant le conflit, ce qui est nécessaire pour apporter la justice aux victimes ; des mécanismes pour une meilleure protection de ceux qui défendent les droits humains et font partie de mouvements d’opposition. L’Accord reconnait également la persistance du paramilitarisme et la menace que représente un tel phénomène, et la mise en place de moyens pour lutter contre cela et enquêter sur les crimes qui en découlent.  Il y a ici une grande opportunité de renforcer la reconnaissance des Zones de Réserve Paysanne (Zonas de Reserva Campesina) et la création d’un fonds de terres pour les paysans qui actuellement n’y ont pas accès. L’Accord comprend également une politique intégrale en matière de lutte contre les drogues illicites, définissant des moyens alternatifs à la guerre, la répression et la fumigation. L’Accord inclue enfin de nombreuses garanties pour que l'opposition et les mouvements sociaux puissent participer à la vie politique.

Les thèmes abordés à la table des négociations sont les mêmes que ceux mentionnés dans le rapport de la Commission historique du conflit et de ses victimes [4] comme étant des causes structurelles du conflit armé entre les FARC et le Gouvernement. La mise en œuvre de l’Accord est une garantie nécessaire pour une paix durable.

La célébration de la paix aujourd’hui marque la fin d’un processus, mais aussi un grand commencement. L’étape suivante est encore plus importante : ce qui a été négocié doit devenir réalité.

Premièrement l’Accord doit être approuvé: la société colombienne doit se prononcer en faveur ou non de l’Accord le 2 octobre prochain. Dans la campagne pour le "oui" à l’accord de Paix, les mouvements sociaux auront une nouvelle fois un rôle indispensable car les secteurs qui voient leurs intérêts menacés par l’Accord de la Havane s’opposent violemment à ce dernier[5].

Il est à prévoir que dans les prochains mois il y aura une mobilisation sociale massive qui pourra comporter des risques pour ceux qui y participent. Rappelons que lors de ces dernières années la violence politique en Colombie a augmenté[6], et que la majorité des agressions contre les défenseur.e.s sont perpétrées par des groupes paramilitaires[7].

Après l’approbation de l’Accord viendra la phase de mise en œuvre de ce dernier. La participation des victimes, des organisations, mouvements et communautés aux mécanismes de justice transitionnelle, comme la Commission de vérité, l’Unité spéciale de recherche de personnes disparues, et la Juridiction spéciale pour la paix, sera de grande envergure puisque les organisations ont documenté et enquêté, accompagné les familles dans la recherche de leurs proches disparus durant des années.  Le Bureau du Haut-Commissaire pour les droits de l’Homme signale que "le harcèlement subi par les représentants des victimes du conflit est répété, particulièrement pour ceux qui portent devant la justice les cas de violations attribuées à des agents de l’Etat"[8].

De nombreuses organisations internationales soulignent le rôle fondamental que devra jouer la société civile colombienne dans la mise en place et le suivi de l’Accord [9]. Cette vigilance est d’autant plus nécessaire selon les organisations sociales que le gouvernement actuel met en place des réformes allant à l’encontre des avancées en matière de droits humains signées à la Havane [10]: le nouveau Code de police qui augmente la criminalisation de la contestation sociale [11], et la Loi Zidres, qui selon Oxfam, a « des effets négatifs en termes de concentration des terres et d’expropriation »[12]. Malgré la fin du conflit armé avec les FARC, le gouvernement n’a pas souhaité engagé une réforme de l’Armée, pourtant jugée nécessaire par les mouvements sociaux car cela garantirait la non-répétition des crimes commis durant le conflit armé.[13].

Une autre étape fondamentale pour la construction d’une paix durable est le processus de négociation avec l’Armée de Libération Nationale (Ejército de Liberación Nacional - ELN), annoncé en mars 2016 mais qui depuis demeure dans une impasse. Sans un accord avec cette guérilla, le conflit armé continuera dans de nombreuses zones du pays et la transition vers une culture de paix sera amoindrie.

Ce n’est pas le moment de cesser de soutenir et d’accompagner ceux qui défendent les droits humains et environnementaux qui subissent de nombreux risques en raison de leur travail, ou encore de cesser de porter son attention sur la Colombie puisque la paix est signée. En ce moment historique pour la Colombie, les organisations, groupes et communautés ont besoin – peut-être plus que jamais – de l'attention de la communauté internationale pour permettre que la paix puisse perdurer et être accompagnée d'une justice sociale pour tous.


[1]              El Tiempo: Víctimas del conflicto en Colombia ya son ocho millones, 16 de abril de 2016

[2]              Basta Ya!

[3]                     Acuerdo sobre garantías de seguridad, p. 1.

[4]                     Comisión Histórica del Conflicto y sus Víctimas: Contribución al entendimiento del conflicto armado en Colombia, febrero de 2015

[5]                     El Tiempo: 'Existen estructuras armadas que están acechando el proceso de paz', 24 de abril de 2016

[6]                     Cerac y Programa Somos Defensores

[7]                     Programa Somos Defensores: El Cambio ( Informe Anual 2015), enero de 2016

[8]                     United Nations Human Rights Council:  Report of the United Nations High Commissioner for Human Rights on the situation of human rights in Colombia, 15 de marzo de 2016

[9]                     Contagio Radio: “Veeduría social será fundamental para el cumplimiento de Acuerdos de Paz”, 29 de enero de 2016

[10]                   Coordinación Colombia Europa Estados Unidos: Cambios para la vida, derechos para la paz; Declaración política asamblea anual Coordinación Colombia-Europa-Estados Unidos, 11 de Julio de 2016

[11]     Contagio Radio: Nuevo código de policía es dictatorial y viola ddhh: alberto yepes, 18 de junio de 2015; Colombia Informa: Derecho a la protesta en el nuevo Código de Policía: ¿en contravía de la Paz?, 27 de junio de 2016

[12]                   Oxfam: Colombia: las falacias detrás de ZIDRES, una ley de “subdesarrollo rural”

[13]                   Ccajar: Ante ola de asesinatos, exigimos creación de Comisión de Alto Nivel de Garantías de No Repetición, 16 de marzo de 2016

 

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PBI salue la signature des accords de paix en Colombie

29/08/2016

PBI salue avec beaucoup d’enthousiasme la signature de l’accord de paix entre le Gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et félicite les organisations sociales, organisations de victimes et de défense des droits humains colombiennes pour leur inlassable travail en faveur de la paix.

PBI considère que la signature de ces accords constitue une étape historique en vue d’une paix durable en Colombie. Les accords offrent de nombreuses chances pour garantir les droits humains et pour parvenir à la justice sociale.

PBI souhaite toutefois rappeler certains enjeux qui prendront toute leur importance durant les prochains mois et années :

  • La mise en œuvre effective des accords est centrale, par conséquent il est nécessaire de mettre en place des mécanismes de suivi de la situation des droits humains dans le pays.
  • Il est essentiel de garantir la protection et la sécurité des communautés et défenseurs des droits humains menacés.
  • Il est important que la communauté internationale poursuive son suivi de la situation en matière de droits humains en Colombie.
  • Il est fondamental que les structures néo-paramilitaires soient complètement démantelées.
  • Enfin, il est indispensable que s’ouvrent immédiatement les dialogues annoncés entre les autorités et la seconde guérilla du pays, l’ELN (Armée de libération nationale).

Les organisations sociales, organisations de victimes et de défense des droits humains colombiennes ont travaillé sans relâche pendant des décennies en faveur de la construction de la paix en Colombie et la recherche d’une sortie négociée au conflit armé. PBI est fière d’avoir soutenu et de continuer à soutenir ces personnes courageuses dans leur travail si essentiel mais qui les expose à de nombreux risques.

>> Lire le communiqué de PBI Colombie sur le sujet : en espagnol ou en anglais

 

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Une nouvelle volontaire française en Colombie

28/06/2016

Laetitia Suchecki vient d’intégrer en juin l’équipe d’Uraba, en Colombie

- Peux-tu présenter ton parcours ?

J'ai 36 ans et une expérience professionnelle de 10 ans dans la coopération internationale. A l'issue de mes études en sciences politiques à l'Institut d'études politiques de Lyon et en Magistère de Relations internationales à la Sorbonne, j'ai découvert l'Amérique du sud à l'occasion d'un stage de 4 mois au sein de la Mission économique de l'Ambassade de France au Pérou.  J'ai ensuite travaillé dans le domaine de la coopération décentralisée pour des municipalités de la région parisienne. Depuis 2009, j'étais responsable de la mission Relations internationales et coopération décentralisée à la mairie de Fontenay-sous-Bois dans le Val de Marne.

- Comment as-tu connu PBI ?

J'ai connu PBI en 2011 par l'intermédiaire d'une amie norvégienne qui avait participé au programme PBI en Colombie. Par son intermédiaire j'ai découvert les valeurs (principalement de non-violence et d'impartialité) et le mandat de PBI, qui m'ont immédiatement intéressée car ils correspondent pleinement à mes aspirations.

- Pourquoi as-tu choisi de partir avec PBI Colombie ?

J'ai découvert la Colombie en 2011 à l'occasion d'un voyage de 2 semaines. J'ai eu à la fois un coup de cœur pour ce pays et dans le même temps j'ai été très impressionnée dès ce voyage par les conditions très difficiles dans lesquels les défenseur.e.s des droits de l'Homme exerçaient leurs missions.  J'avais donc en tête depuis 2011 de postuler un jour au programme PBI Colombie. Mais je souhaitais améliorer avant ma connaissance de la Colombie et du continent sud-américain. Ce que j'ai réalisé en 2013 en partant une année en Amérique du Sud, durant laquelle j'ai voyagé et travaillé dans différents pays du nord au sud du continent. Les deux mois que j'ai passés en Colombie à cette occasion ont renforcé mon souhait d'intégrer l'équipe des volontaires du programme Colombie. C'est donc en toute logique que j'ai postulé à mon retour en France.

- Quelles sont tes attentes et tes appréhensions ?

Bien sûr, les appréhensions sont nombreuses avant le départ : comment vais-je m'intégrer dans l'équipe ? Comment vais-je gérer le rapport à la violence et aux menaces que subissent les organisations accompagnées par PBI ? Vais-je être capable d'accompagner au mieux les défenseur.e.s des droits de l'Homme colombiens ? Vais-je tenir physiquement ? Mais elles sont atténuées par les contacts et explications avec les équipes déjà sur place qui sont très à l'écoute et présentes en amont avant l'intégration. Parmi mes attentes, j'espère que cette expérience me permettra de mieux connaître la réalité de la situation des droits de l'Homme en Colombie, afin de pouvoir témoigner à mon retour à l'issue de la mission.  Je souhaite pouvoir accompagner de la meilleure manière les défenseurs colombiens et participer ainsi modestement à la création d'espaces de travail pour la paix.

 

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Retour sur la tournée de Jani Silva et Alberto Franco en avril dernier

20/05/2016

Jani Silva et le père Alberto Franco étaient en tournée en France du 24 au 27 avril, l’occasion de sensibiliser les acteurs institutionnels et associatifs ainsi que l’opinion publique sur les enjeux des accords des paix et les défis du post-conflit en Colombie.  

La commission inter ecclésiale justice et paix (CIJP) est accompagnée par PBI Colombie depuis sa création, en 1994. Le travail de la Commission se centre sur l’accompagnement intégral et les processus communautaires dans les communautés et organisations afro descendantes, métisses et autochtones qui affirment leur droits de manière non-violente dans les zones affectées par le conflit armé et dans les zones où les droits humains et environnementaux sont constamment bafoués, face à l’implantation de mégaprojets économiques.

LA CIJP accompagne notamment Jani Silva, représentante légale de l’association de développement intégral durable Perla Amazonica (Adispa), à Puerto Asis, dans le département de Putumayo. Depuis de nombreuses années, elle dénonce les graves violations de droits humains et infractions au droit humanitaire causées par des entreprises pétrolières, ce qui lui vaut d’être régulièrement menacée et harcelée par des groupes armés illégaux et des acteurs privés de la zone. Parmi ces compagnies pétrolières, la compagnie britannique Amerisur qui depuis des années pollue la rivière Putumayo, source d’eau pour de nombreuses communautés de la région.

Jani Silva se félicite de la signature prochaine des accords de paix entre les FARC et le gouvernement, mais s’interroge sur les conséquences pour les paysans de l’afflux massif de capitaux étrangers une fois la paix signée. La mise en place en 2012 du Traité de libre échange entre l’Union européenne et la Colombie a déjà des conséquences néfastes pour les petits paysans, notamment dans les zones de réserve paysanne qui prônent un modèle de développement différent, incompatible avec un modèle libéral d’exploitation des ressources et de destruction écologique. De plus, la libération des terres contrôlées par les FARC fait également craindre le développement de conflits liés à l’installation de mégaprojets miniers, pétroliers ou agro-industriels, comme c’est déjà le cas avec l’entreprise pétrolière Amerisur dans le Putumayo.

La menace paramilitaire

Alors que la violence liée au conflit armé a baissé en intensité ces dernières années, les attaques contre les défenseur.e.s des droits humains n’ont jamais été aussi nombreuses : en 2015, 63 défenseur.e.s ont été assassiné.e.s et 682 agressé.e.s, un triste record pour un pays qui connaît déjà une situation très préoccupante en matière de protection des droits humains. Les principales victimes de ces agressions sont des défenseur.e.s d’organisations de base, habitant dans des zones reculées du pays.

Selon Alberto Franco, la violence à l’encontre des défenseur.e.s des droits humains vient principalement de groupes paramilitaires : « beaucoup de ces groupes sont liés à la force publique (policiers, militaires et fonctionnaires de l’Etat) et à de grands intérêts économiques. De manière schématique le paramilitarisme s’en prend à tout ce qui se définit comme une opposition sociale ou politique, une opposition qui peut être d’ailleurs légale ou illégale. Les groupes paramilitaires suivent des intérêts idéologiques qui visent à éliminer tous ceux qui prennent leur distance avec les intérêts des Etats-Unis. »

Alors que le gouvernement colombien tend à les assimiler, Alberto Franco insiste sur la différence entre les paramilitaires et les « bacrim » (bandes criminelles émergentes) qui ont un objectif lucratif, quand les paramilitaires ont un objectif idéologique, s’attaquer aux opposants politiques.

La société civile colombienne craint que le gouvernement colombien signe les accords de paix mais ne respecte pas ses engagements et que la violence continue, puisque la signature de la paix ne signifie pas une paix effective, comme l’a montré la recrudescence de la violence au Salvador et au Guatemala dans les années qui ont suivi les accords de paix dans les années 90.

Ainsi Jani Silva et Alberto Franco appellent à une vigilance accrue de la communauté internationale concernant le post-accord, car il est encore trop tôt selon eux pour parler de post-conflit, au vu d’un conflit social encore très présent qui nécessite la construction d’une véritable justice sociale, le respect des droits fondamentaux et de l’environnement. Enfin ils rappellent que tant qu’il n’y aura pas d’accords de paix avec la deuxième guérilla du pays, l’ELN,  la paix en Colombie restera illusoire, car la structure de l’Etat colombien restera celle d’un pays en guerre.

 

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Interview de Pauline Sfez, volontaire en Colombie

20/04/2016

La volontaire française Pauline Sfez  a intégré en juillet 2015 l’équipe d'Urabá, au nord-ouest de la Colombie.

Comment se sont passés tes premiers mois sur le terrain ?

J'ai intégré l'équipe d'Urabá au mois d’août 2015. J'étais alors la seule nouvelle à entrer dans un groupe plutôt nouveau lui aussi, la plupart des volontaires étant arrivés au mois de février. La formation est toujours un moment assez intense, pour l'équipe qui doit trouver le temps au milieu de son travail quotidien pour préparer la formation et pour celui qui arrive, qui entrevoit petit à petit la quantité d'informations à enregistrer sur le fonctionnement de PBI, les processus accompagnés, le contexte, la particularité des zones dans laquelle on se trouve. Ce n'est pas facile dans un premier temps de s'y retrouver, tout vient au fur et à mesure avec l'expérience et il faut se résigner à ne pas en voir le bout! J'ai eu la chance de connaître depuis la formation à Valladolid tous les autres membres de l'équipe, donc malgré le fait d'être arrivée seule petite dernière, j'étais surtout contente de revoir tout le monde et le contact s'est assez vite établi. Ce que je recherchais à Urabá c'était surtout de pouvoir me centrer sur un nombre restreint de processus pour pouvoir mieux les connaître et à travers eux comprendre la région dans laquelle je me trouve. Je ne regrette pas mon choix, l'équipe d'Apartadó n'accompagne que trois organisations mais à travers eux plusieurs processus, et c'est une chance de pouvoir avec le temps établir une relation plus personnelle avec les accompagnés. Je suis du genre à tarder un peu à établir des relations de confiance avec les gens et ici je peux y arriver parce que je suis plus souvent en contact avec les mêmes accompagnés. Au début ce n'est pas facile, on veut poser beaucoup de questions sans oser ou en oubliant constamment les réponses qui se noient dans la quantité d'informations qu'on reçoit en arrivant, on rencontre beaucoup de gens dont on a du mal à fixer les visages et les noms. Mais dans tous les cas, les contacts ont été bons dès les débuts, PBI est présent depuis pratiquement ses débuts en Colombie auprès de ces organisations et on sent qu'une confiance assez grande, qui dépasse les brigadistes actuellement sur le terrain, s'est établie.

Quelles sont les conditions de travail ?

Depuis mon arrivée l'équipe est passée par des mois sans accompagnement, et d'autres où les urgences s'enchaînent. Tout est bien sûr très lié aux changements dans le contexte national, et régional. Mais c'est aussi ce qui fait le charme du travail, ça peut être très fatigant, mais on n’intègre généralement pas PBI parce qu'on aime être assis derrière un bureau 8h par jour. Dans tous les cas, le grand défi c'est de ne pas céder au stress ou à l'ennui, c'est plus facile dans certains lieux que dans d'autre. Disons qu'à Apartadó c'est un peu plus dur qu'ailleurs de trouver des moyens de couper avec le travail, la maison et PBI, mais chacun trouve la façon de le faire. Ici on a la chance d'être à 1h30 de la plage et d’avoir une maison agréable. PBI essaie de favoriser que la place et la voix de chacun soit respectée, toute décision doit être discutée au sein de l'équipe et entre les différentes équipes quand ça implique des changements au niveau du projet. Ca me paraît être une base de fonctionnement essentielle mais la contrepartie est que ça demande beaucoup de patience et d'implication dans des débats qui nous dépassent un peu par moment. Ce que je savais sans vraiment en mesurer l'ampleur avant d'arriver c'est la quantité de travail interne à PBI, la participation aux différents comités, à la prise de décision sur des sujets dont on est parfois pas bien au courant, la rédaction de documents, les pannes informatiques, toutes ces choses qui prennent parfois bien plus de temps que le travail d'accompagnement ou de plaidoyer politique. Ça peut être frustrant mais c'est aussi une forme de travail assez enrichissante.

Sur quelles thématiques travailles-tu ?

L'équipe d'Apartadó accompagne majoritairement deux processus : la communauté de paix de San José de Apartadó et la Comisión Intereclesial de Justicia y Paz dans ses activités auprès de différentes communautés de la région. Il s’agit dans les deux cas de victimes directes du conflit, déplacées à partir des années 1990 par les massacres commis par les militaires et les paramilitaires qui ont eu lieu dans la région. Le cas de la communauté de paix est intéressant puisque la communauté a décidé de rompre ses relations avec le gouvernement et a développé un projet de communauté indépendante du gouvernement à tous les niveaux. La communauté cherche à être auto-suffisante alimentairement et a développé un projet agricole basé sur la production de cacao biologique et sur le commerce équitable. La communauté de paix est un caillou dans la chaussure des différents acteurs qui veulent s'assurer le contrôle de la région, donc même si la Communauté a su s'organiser pour assurer sa protection, ses leaders restent menacés.  Le cas des communautés qu'accompagne CIJP est celui de victimes de l'opération Génésis, de l'opération Septembre noir qui ont été contraintes de se déplacer á la suite de ces offensives  militaires-paramilitaires. Certains habitants ont décidé de revenir sur leurs terres qu'ils ont trouvées occupées par des entrepreneurs, transformées en plantation de palmier à huile, en zones d'élevage extensif. Les communautés se sont organisées en différentes Zones Humanitaires pour assurer leur protection et le gouvernement colombien a reconnu dans certains cas que les entrepreneurs occupaient illégalement les territoires. Les thèmes sur lesquels je travaille depuis Urabá sont donc directement liés aux déplacements internes causés par le conflit. Les communautés que nous accompagnons ont élaboré des propositions très intéressantes en faveur de la paix. La question de la défense de la terre et des territoires, du mode de vie paysan est bien sûr au centre de leur lutte aussi.

Confrontée à la réalité du terrain, comment perçois-tu le processus de paix en cours ?

C'est assez paradoxal d'entendre tellement parler de paix au niveau national quand au niveau régional et pour une partie de la population la situation est tout autre. La progression des négociations à La Havane et l'annonce de la signature des accords de paix pour le mois de mars ont eu pour effet de compliquer les choses dans la région d'Urabá : la probable démobilisation des FARC modifie l'équilibre dans les territoires, les partages actés entre les différents groupes armés pour le contrôle des territoires. Urabá est une zone extrêmement stratégique pour tous les types de commerce et de trafics : elle connecte la côte Pacifique à la côte Atlantique, à quelques heures de la frontière avec le Panama. La démobilisation des FARC ouvrirait l'accès pour d'autres acteurs aux territoires que contrôle pour l'instant la guérilla. C'est plutôt à ça qu'on a assisté ces derniers mois : une progression des AGC, des combats avec la guérilla, un renforcement dans certaines zones de l'ELN. En même temps certains des grands chefs paramilitaires qui avaient bénéficié de peines encadrées de la loi de Justicia y Paz commencent à sortir de prison. Tous ces éléments font que loin de se sentir rassurées par la signature des accords de paix, les populations la redoutent. Il est clair pour beaucoup que la fin officielle du conflit servira aussi à attirer des investissements économiques, principalement pour l'exploitation minière et agricole. Sur le terrain on constate  d'une part que les tensions liées directement au conflit n'ont pas été résolues (processus de restitution des terres, menaces contre les défenseur.e.s etc.) et d'autre part que la fin du conflit impliquera sûrement de nouvelles luttes pour la défense de la terre et des territoires.

 

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Tournée de deux défenseurs colombiens en avril

18/04/2016

Le père Alberto Franco est membre de l’ONG de droits de l’Homme Commission Inter-ecclésiale Justice et Paix (CIJP), accompagnée par PBI depuis 1994. Le travail de la Commission se centre sur l’accompagnement intégral et les processus communautaires dans les communautés et organisations afro descendantes, métisses et autochtones qui affirment leur droits de manière non-violente dans les zones affectés par le conflit armé et dans les zones où les droits humains et environnementaux sont constamment bafoués, face à l’implantation de mégaprojets économiques.

Jani Silva est représentante légale de l’association de développement intégral durable Pela Amazonica (Adispa), à Puerto Asis, dans le département de Putumayo, au sud-ouest du pays. Depuis de nombreuses années, elle dénonce les graves violations de droits humains et infractions au droit humanitaire causées par des entreprises pétrolières, ce qui lui vaut d’être régulièrement menacée et harcelée par des groupes armés illégaux et des acteurs privés de la zone.

Alors que les négociations de paix sont en voie d’aboutir en Colombie, les attaques contre les défenseurs des droits humains n’ont jamais été aussi nombreuses : en 2015, 63 défenseur.e.s ont été assassinés et 682 agressé.e.s, un triste record pour un pays qui connaît déjà une situation très préoccupante en matière de protection des droits humains. Les principales victimes de ces agressions sont des défenseur.e.s d’organisations de base, habitant dans des zones reculées du pays.

Cette tournée, organisée dans plusieurs pays européens, vise à attirer l’attention de la communauté internationale sur la problématique des droits humains en Colombie et notamment le déplacement forcé des communautés, l’impact des mégaprojets économiques sur les populations locales et la persistance des groupes paramilitaires, principale menace pour la paix et la sécurité post-conflit en Colombie.

 

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Rapport annuel 2015

14/04/2016

Retrouvez le rapport annuel de PBI Colombie pour l'année 2015, revenant sur son travail d'accompagnement auprès des défenseur.e.s des droits humains à Bogotá, Barrancabermeja et Apartadó, ainsi que ses activités au niveau international.

Pour le lire, cliquez ici: rapport de PBI-Colombie 2015

 

 

Accord de paix en Colombie : Quels enjeux pour les victimes et la justice ?

29/02/2016

Communiqué de presse du Réseau France Colombie Solidarités

L’écrasante majorité des victimes du conflit armé est constituée de civils : communautés paysannes, autochtones et afro-colombiennes, membres de partis politiques, mouvements sociaux et syndicaux entre autres. Guérilleros, militaires et paramilitaires, tous sont responsables de graves violations des droits humains (massacres, disparitions forcées, tortures, violences sexuelles, déplacements forcés, recrutement d’enfants, prises d’otages). Les exactions se sont poursuivies y compris pendant les négociations de paix à La Havane. Les victimes et leurs défenseurs attendent notamment de cet accord qu’il ne reproduise pas les carences de la Loi Justice et Paix de 2005 sur la démobilisation des paramilitaires. À l’époque, les victimes n’ont pas obtenu réparation et très peu de paramilitaires ont été condamnés pour leurs crimes. Bon nombre d’entre eux ont même repris leurs activités criminelles. 

Qu’est ce qui a été négocié sur ce point entre les FARC et le gouvernement ?

Le préaccord, officialisé le 15 décembre 2015 après un an et demi de négociations, est celui qui a le plus fortement impliqué la société civile. Il s’articule autour d’un « Système intégral de vérité, justice, réparation et non-répétition » basé sur 5 mécanismes judiciaires et extrajudiciaires :

- une Commission d’éclaircissement de la vérité, du vivre ensemble et de la non répétition, organe temporaire et extrajudiciaire dont le but est la reconnaissance des victimes, l’établissement des responsabilités et la promotion de la réconciliation dans les territoires ;

- une Unité spéciale de recherche qui, sans remplacer ni entraver les enquêtes judiciaires, aura à charge d’identifier et de rechercher les personnes disparues dans le cadre du conflit armé ;

- une Juridiction spéciale pour la paix, autonome, devant laquelle devront être traduits les acteurs « directs et indirects du conflit ». Une Chambre d’amnistie et de recours en grâce devra traiter les infractions les moins graves, notamment politiques. Un Tribunal pour la paix devra juger les atteintes graves aux droits humains et au Droit international humanitaire. Les peines encourues n’excèderont pas 8 ans avec des mesures alternatives à la prison quand les accusés reconnaîtront leurs crimes, et 20 ans dans le cas contraire ; 

- des mesures de réparation intégrale (restitution, indemnisation, réhabilitation) pour la construction de la paix, à la fois individuelles et collectives ;

- des garanties de non-répétition résultant des 4 dispositifs susmentionnés mais aussi de mesures spécifiques négociées lors de l’accord sur le cessez-le-feu et le dépôt des armes (qui doit intervenir dans les semaines qui viennent), comme le déminage des territoires.

Le « Système intégral » prévoit une approche différenciée et de genre pour répondre aux besoins spécifiques selon les territoires et les catégories de population (notamment les femmes et les enfants). Sa mise en œuvre est censée manifester l’engagement permanent de la Colombie dans la promotion et le respect des droits humains.

Quelles perspectives ?

Ce préaccord peut être considéré comme encourageant compte tenu du défi à relever. Néanmoins, il s’agira de tenir compte de la colère exprimée par une part importante de la société civile face au choix d’alléger les condamnations en cas de reconnaissance des crimes par leurs auteurs. De plus, des assurances concrètes devront être obtenues : 

- Les magistrats de la juridiction spéciale devront être sélectionnés selon un processus transparent et impartial. Des garanties pour leur indépendance et leur protection devront être fournies ;

- les moyens devront être mis à disposition très rapidement. Pour cela, il faut encore évaluer le nombre de justiciables et les ressources nécessaires aux investigations. Aussi, le préaccord ne dit pas clairement si les FARC devront apporter une réparation financière à leurs victimes (et dans ce cas là légaliser et mettre en évidence des ressources financières obtenues illégalement ?) ou via des travaux d’intérêt général. 

- une attention extrême devra être portée aux victimes afin qu’elles soient en sécurité et puissent témoigner dans les meilleures conditions. C’est particulièrement vrai pour les femmes victimes de violences sexuelles, pour lesquelles il est difficile de revenir sur les exactions subies et qui peuvent craindre d’être rejetées par leur entourage ;

- aucune responsabilité, des acteurs armés (y compris paramilitaires) et économiques (y compris des entreprises étrangères) du conflit, ne devra être occultée. 

CHIFFRES CLES

Le conflit colombien en chiffres, selon le Centre national de la Mémoire Historique, qui reconnaît au moins :

218 094 morts (dont 81 % de civils)

25 007 personnes disparues

1 754 victimes de violences sexuelles

4 151 victimes de torture

 

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Accord n°2 : la participation politique – ouverture démocratique pour construire la paix

16/02/2016

Entre 1958 et 1974, période dite du Front National, le Parti Conservateur et le Parti Libéral s’étaient mis d’accord pour se partager le pouvoir. C’est précisément à ce moment là que sont apparues les FARC. Ce manque d’ouverture démocratique se maintient sous diverses formes encore aujourd’hui. Par le passé, plusieurs tentatives de paix ont eu lieu avec différentes guérillas (FARC, ELN, M- 19 notamment). Leur réinsertion civile et leur participation politique faisaient déjà partie des points soulevés mais n’ont jamais réellement eu lieu. L'assassinat de 4 candidats à la présidentielle de 1990 rappelle le degré de violence politique en Colombie et la méfiance des opposants. La répression et la « guerre sale » contre les secteurs « alternatifs » n’ont jamais cessé. Le cas de l’Union Patriotique en est un exemple tragique ; ce parti issu du processus de paix de 1984 a vu 3 000 de ses membres assassinés.

CHIFFRES CLES

13 partis politiques enregistrés auprès du Conseil national électoral

En 2015, 10 000 prisonniers détenus pour des motifs politiques en Colombie (Source : Fundacion por la solidaridad y la defensa)

577 agressions et 51 assassinats contre des défenseur.e.s des droits humains (2015)

6 528 cas de victimes de l’Union Patriotique (homicides, disparitions, tortures, exil, déplacements, détentions arbitraires) ont été présenté.e.s à l’Etat pour être reconnu.e.s

Qu’est ce qui a été négocié sur ce point entre les FARC et le gouvernement ?

Le préaccord, officialisé le 6 novembre 2013, ambitionne d’engager une véritable «ouverture démocratique pour construire la paix », avec la mise en place de garanties fondamentales pour l’exercice de l’opposition politique en général et plus particulièrement pour les nouveaux mouvements qui émergeraient à la suite de la signature de l’accord final. Il est prévu :

- L’élaboration d’un « statut de l’opposition » représentant un ensemble de garanties à la fois aux partis politiques mais également aux mouvements sociaux. Ce volet prévoit, pour les combattants démobilisés, un « système de sécurité pour l’exercice de la politique » et, pour les mouvements sociaux une « Loi de garanties » qui reste à élaborer en concertation avec eux ;

- La création de « circonscriptions transitoires spéciales de paix » dans les régions les plus touchées par le conflit, favorisant la représentation de mouvements sociaux à la Chambre des députés ;

- La mise en place, au niveau national et local, de « Conseils pour la réconciliation et la coexistence », chargés d’aider les autorités à promouvoir le vivre ensemble ; 

- Un accès facilité aux médias pour les secteurs d’opposition et la création d’une chaîne de télévision institutionnelle pour les partis politiques ; et

- Une aide financière accordée par l’Etat pour la création de nouveaux partis politiques.

Qu’est ce qui a été négocié sur ce point entre les FARC et le gouvernement ?

S’il ne constitue pas un changement « révolutionnaire » mais simplement une série de mesures destinées à assurer des garanties politiques minimales, ce préaccord représente toutefois un espoir pour la démocratie, ouvrant peut-être la voie à la nécessaire émergence d’une nouvelle culture politique en Colombie. Pour concrétiser ces espoirs en avancées démocratiques réelles, il est nécessaire d’aller plus loin et de prendre en compte plusieurs problèmes en suspens :

- Les mesures de protection ne sont pas encore déterminées concrètement. Celles prises par le passé n’ont pas mis fin aux menaces et aux assassinats de leaders sociaux et d’opposants, ce qui fait craindre la persistance d’un risque toujours élevé pour l’exercice d’une opposition politique dans de nombreux territoires ;

- Il n’y a pas de mesures concrètes pour mettre fin à l’existence des groupes paramilitaires. Leur assimilation, dans le discours gouvernemental et médiatique, à des « bandes criminelles », empêche une lecture politique du phénomène. Or, ces groupes sont les principaux responsables de la violence contre les opposants politiques ou les défenseur.e.s des droits humains, et sont bien souvent au service des élites économiques et politiques locales. De plus, il existe le risque qu’ils prennent le contrôle de zones d’influence des FARC après la démobilisation de ces derniers ;

- Les autorités continuent de stigmatiser régulièrement les expressions de protestation sociale et plusieurs opposants font l'objet de poursuites susceptibles d’être motivées par des raisons politiques ; 

- La question des éventuels « quotas » de sièges pour les FARC au Parlement reste à régler et suscite beaucoup de réticences au sein de la population ;

- La phase publique des négociations avec l’ELN n’a toujours pas commencé et laisse donc craindre un processus de paix incomplet. 

 

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Colombie, accords de paix J-45 : quels enjeux pour la question agraire ?

09/02/2016

Communiqué Réseau France Colombie Solidarités

La signature des Accords de paix en Colombie est annoncée pour le 23 mars 2016. D’ici là, chaque semaine, le Réseau France Colombie Solidarités se propose de revenir sur chacun des 6 points à l’agenda et d’en analyser le contenu et les enjeux.

L’injuste répartition de terres est l’une des origines du conflit qui perdure depuis plus de 60 ans en Colombie. Les disputes pour le contrôle du territoire entre les différents acteurs armés n’ont fait qu’accroître les dynamiques d’accaparement de terres, faisant de la Colombie un des pays où la concentration foncière est la plus élevée au monde. Les négociations de paix à La Havane ont abouti à des propositions ambitieuses de réforme afin de restituer la terre aux paysans et de développer les zones rurales. Mais, dans le même temps, l’absence de remise en cause du modèle agraire productiviste et de la surexploitation des ressources extractives - au bénéfice notamment des entreprises multinationales - menace la réalisation effective de la paix dans les territoires.

Qu’est ce qui a été négocié sur ce point entre les FARC et le gouvernement ?

Le préaccord entre le gouvernement et les FARC, signé le 26 mai 2013, prétend engager une « transformation structurelle » des campagnes à travers la réalisation d’une réforme rurale intégrale qui aborde non seulement les questions d’accès à la terre mais aussi la garantie des droits fondamentaux des populations et communautés rurales longtemps marginalisées. Il est prévu :
- le renforcement des Zones de réserve paysanne, comme moyen de promouvoir l’économie paysanne et l’agriculture familiale ;
- la création d’un fonds de terres, afin de favoriser la réinstallation des populations déplacées par le conflit et favoriser l’accès des paysans à la terre ;
- l’amélioration du cadastre pour répondre aux carences criantes en matière de formalisation de la propriété foncière ;
- un ensemble de dispositions pour lutter contre les inégalités sociales, la faiblesse du système éducatif ou le manque d’infrastructures des territoires ruraux.

Quelles perspectives ?

Si l’accord de la Havane est très ambitieux et porteur d’espoir, la paix, pour qu’elle soit durable, doit se traduire par des améliorations palpables des conditions de vie des populations et la remise en cause de certains modèles existants. Plusieurs problèmes se dessinent déjà :

- La redistribution des terres engage trop peu le gouvernement qui ne sait toujours pas combien d’hectares et quelles zones seront concernés ;
- Depuis le précédent de la Loi sur la restitution des terres adoptée en 2011, les paysans déplacés par le conflit n’ont récupéré qu’1 % de leurs terres et les défenseurs des droits de l’homme qui luttent pour leur retour sont de plus en plus menacés par les groupes armés.
- Plusieurs initiatives gouvernementales récentes promeuvent un modèle agraire productiviste et extractiviste (avec un accès facilité aux ressources énergétiques, minières et pétrolières) reposant sur la concentration foncière. Le gouvernement défend notamment la création de « Zones d’Intérêt de Développement Rural et Economique » par l’attribution de vastes territoires « non occupés » à des grands groupes de l’agro-industrie.

Chiffres clés :

- 52 % de la terre appartient à 1,5 % de la population.
- 25 % de la population vit dans les campagnes.
- 6 à 7 millions d’hectares de terres spoliées durant le conflit, soit 15 % de la surface agricole.

 

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L'avocat colombien Jorge Molano était en France du 21 au 24 juin

30/07/2015

Le défenseur des droits humains colombien Jorge Molano est un avocat accompagné depuis 2009 par PBI en Colombie. Il était en Europe pour recevoir le prix « Lawyers for lawyers » à Amsterdam, et a eu l'occasion lors de sa tournée de rencontrer divers partenaires afin de présenter la situation actuelle des droits humains et des défenseur.e.s en Colombie.

Le travail d'avocat des droits humains

Jorge Molano a commencé sa carrière auprès de l'avocat des droits humains José Eduardo Umaña Mendoza, assassiné en 1998. Il a travaillé auprès de nombreuses organisations de défense des droits de l'Homme colombiennes telles que la Comisión Intercongregacional de Justicia y Paz (Commission Interécclésiale Justice et Paix) et le Centro de Investigación y Educación Popular (Cinep).

Il travaille actuellement au sein du réseau de défenseur.e.s dhColombia, défendant des litiges « stratégiques », c'est à dire représentant des cas emblématiques de violations des droits humains. En Colombie, 7 millions de personnes sont victimes du conflit armé, ce qui dans un pays de 47 millions d'habitants représente 18% de la population. Dans l'impossibilité de défendre chaque victime, il a donc choisi de défendre quelques cas emblématiques afin d’avoir un impact sur l’opinion et les pouvoirs publics.

Le principe clé de dhColombia est de permettre aux victimes d'être actrices de leur défense et non seulement d'être assistées, de leur permettre de participer à la définition d'une stratégie de défense. Ce réseau représente des cas de violations de droits à la vie, des cas de  disparitions forcées, de négation de la liberté d’expression ou du de manifester ainsi que des cas de violences sexuelles.

Des cas emblématiques de violations des droits humains en Colombie

L'un des cas les plus emblématiques que Jorge Molano représente est le massacre en 2005 de onze membres de la communauté de paix de San José de Apartadó. Cette communauté, créée en 1997 par des déplacées souhaitant un retour collectif sur leurs terres et une non-implication dans les luttes armées, a perdu en 18 ans plus de 220 de ses membres, assassinés par les différents acteurs armés du conflit. Durant le massacre de 2005, des membres de l'Armée et des paramilitaires ont tué 11 personnes, dont l'un des fondateurs de la communauté, Luis Eduardo Guerra, et trois enfants. Les mesures de protection mises en place par la Cour interaméricaine des droits de l'Homme et la Cour constitutionnelle colombienne depuis 2000 n'ont pas empêché que 120 personnes trouvent la mort depuis 2000. Grâce à ses investigations, Jorge Molano a prouvé la responsabilité de l'Armée colombienne dans le massacre de 2005, notamment à travers des manuels de formation de l'Armée dans lesquels les membres de la communauté de paix était assimilés à des membres des FARC. Il a également découvert un rapport des renseignements généraux sur le leader Luis Eduardo Guerra, rédigé quelques jours avant son assassinat.

Jorge travaille également sur des cas d'exécutions extra-judiciaires. Il a concentré son travail sur une seule unité militaire afin de démontrer la systématisation des exécutions : ainsi, entre 2002 et 2008, 4800 personnes ont été victimes des ces exécutions. Il représente notamment le cas de trois jeunes de la Valle de Cauca emmenés à Manizales sous un faux prétexte pour y être fusillés. Seul l'un d'entre eux a réussi à s’échapper, permettant ainsi aux avocats de la défense de pouvoir reconstituer les faits. Jorge Molano a ainsi pu démontrer que deux colonels avaient commandité les exécutions. Au lieu d'être traduits en justice, ces deux responsables ont depuis été promus généraux.

La responsabilité des paramilitaires et de l'armée colombienne dans le conflit

Les négociations de paix entre les FARC et le gouvernement colombien ont débuté en 2012 et sont toujours en cours à La Havane, malgré la suspension du cessez-le-feu unilatéral des FARC en mai dernier. Un accord de paix serait très positif, mais, selon Jorge Molano, il est très inquiétant que la question des paramilitaires ne soit pas abordée lors de ces négociations. Ceux-ci sont en effet responsables d'une grande partie des violations des droits humains durant le conflit armé. En 2005, la loi Justice et Paix avait pour but de juger les responsables de ces crimes et de démobiliser les paramilitaires, mais 10 ans après, ils seraient toujours 11 000, et l'impunité reste de 99,99%. Ainsi, selon Jorge, si le système paramilitaire perdure, la paix n'a aucune chance d'aboutir.

L'organisation du pouvoir militaire en Colombie est une autre problématique oubliée des négociations de paix. En effet, de nombreux crimes ont été commis par l'armée durant le conflit, comme le montre les preuves accumulées par les avocats de dhColombia au cours de l'investigation des cas qu'ils représentent. Or à l'heure actuelle, le pouvoir civil couvre toujours les crimes du pouvoir militaire. Il est donc nécessaire de repenser la doctrine militaire, notamment en permettant à la police de reprendre son caractère civil et non militaire. Selon Jorge, le problème majeur de nombreux processus de paix en Amérique latine a été l'impunité, à l'image de ce qui se passe encore aujourd'hui au Guatemala, des dizaines d'années après le conflit.

La situation des défenseur.e.s des droits de l'Homme

La situation des défenseur.e.s des droits de l'Homme en Colombie est très inquiétante : en 2014, 643 attaques ont été recensées contre des défenseur.e.s des droits humains, soit une augmentation de 71% par rapport à 2013. Selon le rapport 2014 de l'ONG Global Witness, la Colombie est actuellement le quatrième pays le plus dangereux au monde pour les défenseur.e.s du droit à la terre : 77 personnes y ont été assassinées l'année passée. Jorge Molano est régulièrement victime de menaces et d'intimidations. Ses deux filles ont dû quitter le pays il y a quelques années car elles étaient menacées. Il doit actuellement faire tous ses déplacements dans une voiture blindée, et des équipes de volontaires de PBI Colombie l'accompagnent régulièrement dans ses déplacements, notamment en dehors de Bogotá.

Une tournée européenne de plaidoyer

Invité en Europe pour recevoir le prix Lawyers for lawyers à Amsterdam, Jorge Molano a effectué une tournée de plaidoyer dans sept pays européens (Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique, Espagne, Italie, Norvège, France) . En France, Jorge a pu rencontrer le directeur du département Amérique du Sud et une des représentantes de la sous-direction droits de l'Homme au Ministère des Affaires étrangères, le député Sergio Coronado qui faisait partie de la délégation de Manuel Valls lors de sa visite en Colombie le 24 juin et la sénatrice Laurence Cohen, membre du groupe d'amitié France-Pays andins. Il s'est entretenu avec des membres du Barreau de Paris ainsi qu'avec le président de l'Union internationale des avocats, a été interviewé par des journaliste de RFI, de France Culture, du journal colombien El Espectador et du site internet Opinion Internationale. Enfin, Jorge a pu rencontrer nos partenaires associatifs du Réseau France Colombie Solidarités, avec qui nous avons organisé une conférence publique au CCFD-Terre Solidaire sur la thématique « violations des droits humains et impunité en Colombie ». 

 

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PBI fêtait en 2014 ses 20 ans de présence en Colombie

06/07/2015

En octobre 2014, le processus de négociation de paix à La Havane entre le gouvernement colombien et les FARC fêtait ses deux ans. Une bonne nouvelle si l’on considère qu’effectivement, malgré les interruptions de cessez-le-feu, les points durs des négociations et le manque de communication sur les résultats annoncés en grande pompe par le président José Manuel Santos, les discussions, que l’on savait de longue haleine depuis leur commencement, tiennent bon et progressent depuis 24 mois. Ces négociations de paix emportent également le soutien de la communauté internationale qui met en avant l’importance d’intégrer la protection des droits humains dans le processus. Todd Howland, le représentant du Haut-Commissariat des Nations unies pour les droits de l’Homme (HCDH), affirme notamment que «la protection des droits des défenseur.e.s est une responsabilité de toute l’institution colombienne et est fondamentale pour le processus de paix”.

En revanche, ces progrès n’ont encore aucune répercussion concrète sur le terrain et il semble d’ailleurs que le fameux « post-conflit » tant commenté dans le pays ait bien du mal à voir le jour. En effet, en 2014, PBI a recensé un nombre grandissant de menaces et d’agressions de défenseur.e.s des droits humains en Colombie et surtout un niveau d’impunité face à ces actes qui reste préoccupant, avec 1762 agressions et 350 assassinats entre 2010 et 2014 (voir chiffres détaillés dans le rapport annuel de PBI).

Les principales causes de violences et d’atteintes aux droits humains restent :

  • La résurgence de groupes paramilitaires soit disant démobilisés se reconstituant actuellement sous forme de groupes armés dits “néo-paramilitaires » que le gouvernement ne reconnait pas comme nouveaux groupes armés et nomme pudiquement “bandes criminelles”. La Cour internationale des droits de l’Homme reconnait quant à elle bien la « continuité » entre les ex-groupes armés d’auto-défense paramilitaires dont les infrastructures et les équipements n’ont pas été éliminés totalement et ces nouvelles « bandes criminelles ».

  • Les déplacements forcés qui se poursuivent en parallèle d'une diminution des budgets de protection et d'attention aux familles de déplacés.

  • La diabolisation et la diffamation des actions des défenseur.e.s face à l'opinion publique. Le Padre Javier Giraldo de la Comunidad de Paz de San José de Apartadó, accompagné par PBI a par exemple été accusé par le Colonel Germán Rojas, élu commandant de la Brigada XVII en juin 2014, de complicité avec la guérilla et d’opposition à la présence de l’Armée régulière dans la région.

L’année 2014 a donc été une année de continuation et de renforcement du travail de PBI qui a effectué un travail de terrain représentant 1372 jours d’accompagnement dans 19 départements et 257 rondes d’observation, et a organisé 17 ateliers d’autoprotection auxquels ont participé 235 personnes. En ce qui concerne le travail de plaidoyer politique, PBI a organisé 277 réunions au niveau national et 187 rencontres au niveau international.

Toutes les actions de PBI en Colombie sont relayées par les bureaux nationaux en Europe et aux Etats-Unis, qui travaillent à la mise en valeur du travail effectué sur le terrain et ainsi à la diffusion des préoccupations de PBI Colombie au niveau national et international.

La publication du bulletin des Directives de l’Union européenne, distribué à Bruxelles à l’occasion du 10ème anniversaire des directives européennes concernant les défenseur.e.s des droits de l’Homme en est un bon exemple, tout comme le bulletin spécial publié en décembre 2014 , «Aumentan las agresiones en contra de defensores y defensoras de derechos humanos».

 

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Tournée en France de l'avocat colombien Jorge Molano, du 21 au 24 juin

17/06/2015

L’avocat colombien Jorge Molano est en Europe pour recevoir le prix « Lawyers for lawyers » à Amsterdam, et sera en France du 21 au 24 juin. Accompagné par PBI Colombie depuis 2009, il a travaillé comme juriste auprès de nombreuses organisations de droits humains telles que la Comisión Intercongregacional de Justicia y Paz et le Centro de Investigación y Educación Popular (Cinep). Depuis 2005, il travaille comme avocat indépendant et conseiller légal auprès de plusieurs ONG. Il représente actuellement les victimes de cas de violations de droits humains parmi les plus emblématiques de Colombie : la disparition de 11 personnes après la prise d'otage du palais de justice de Bogotá le 6 et 7 novembre 1985 ; l’assassinat le 21 février 2005 de plusieurs membres de la communauté de paix de San José de Apartadó ; les exécutions extrajudiciaires de Manizales en 2008.

Il travaille auprès de nombreux défenseur.e.s des droits humains en Colombie, et s'inquiète de  l'augmentation significative des attaques à leur encontre ces dernières années : en 2014, les agressions ont augmenté de 71% par rapport à 2013. Il est lui-même régulièrement victime d’attaques, menaces et intimidations.

PBI France souhaite profiter de sa présence en France pour sensibiliser les autorités et l’opinion publique aux graves atteintes aux droits humains et à l’impunité en Colombie, malgré les négociations de paix à la Havane, ainsi qu’aux menaces que subissent continuellement les défenseur.e.s des droits humains. Jorge Molano rencontrera  les responsables  de la sous-direction Amérique du Sud et des droits de l’Homme du Ministère des Affaires étrangères, le député Sergio Coronado et la sénatrice Laurence Cohen, des membres du Barreau de Paris Solidarité et de l’Union Internationale des Avocats, ainsi que nos partenaires associatifs du Réseau France Colombie Solidarités. Enfin, il sera interviewé par des journalistes de RFI, France Culture, le Figaro et le site internet Opinion Internationale.

Une conférence publique sera organisée le mardi 23 juin à 18h30 au CCFD-Terre Solidaire sur la situation des droits humains en Colombie, en partenariat avec le Réseau France Colombie Solidarités et l’association TEJE. Nous espérons vous y voir nombreux !

 

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Pauline, une nouvelle volontaire de PBI en Colombie !

16/06/2015

A quelques jours de son départ, PBI France s'est entretenu avec Pauline Sfez, future volontaire française de PBI en Colombie.

Comment as-tu connu PBI ?

J’ai commencé à m’intéresser à l’accompagnement international avec le Collectif Guatemala.  J’ai eu l’occasion d’assister à un week-end de formation de PBI l’année dernière qui m’a beaucoup plu.  Alors que jusqu’ici, je percevais l’accompagnement international comme un travail essentiellement  engagé, une manière d’intervenir dans un contexte politique, cela m’a permis de resituer l’accompagnement international  dans le cadre de la doctrine de la non-violence, celle-ci n’étant pas seulement une valeur, mais aussi une méthode de résolution de conflit.

J’ai été accompagnatrice pendant 6 mois avec PROAH (Projet d'Accompagnement international au Honduras), une organisation qui travaille avec les défenseur.e.s des droits humains honduriens depuis quatre ans.  Même si les conditions de travail sont différentes de celles de PBI, cette expérience m’a confirmé que j’aime énormément ce travail. Je suis contente d’avoir eu une première expérience de 6 mois avant de me lancer pour 18 mois en Colombie : c’était un premier galop d’essai !

Pourquoi avoir choisi la Colombie ?

Je pense que j’aurais aimé partir dans n’importe quel pays d’Amérique latine, mais la Colombie est le pays dont je connais le mieux le contexte : j’y ai voyagé et durant mon master à l’Institut des Hautes Etudes d’Amérique latine, on a souvent eu l’occasion d’étudier l’histoire politique de la Colombie. J’ai pensé qu’en ayant davantage de repères théoriques, ce serait plus facile de m’adapter. Il sera je pense très intéressant de remettre en perspective ce que je sais du pays, contrairement au Honduras que je ne connaissais quasiment pas avant d’y aller. 

Maintenant que j’ai cette expérience hondurienne, je vais pouvoir confronter la situation de ces deux pays, les comparer, car la situation se ressemble beaucoup, même si chaque pays garde ses spécificités. Il me semble que les nouveaux conflits qui sont en train de se développer en Colombie -  alors que se déroulent les négociations de paix de La Havane pour mettre fin à un conflit vieux de 50 ans - coïncident de plus en plus avec les conflits d’Amérique centrale : développement de groupes criminels, privatisation des terres au profit de multinationales etc.

As-tu une idée précise de ce qui t’attend en Colombie ? As-tu des craintes concernant le contexte sécuritaire ?

Dans une certaine mesure oui, le travail ne m’est pas inconnu, je n’ai pas peur d’être complètement prise de court. Cela dit, je veux éviter de penser que je sais déjà ce qui m’attend, puisque mille choses m’échappent du contexte particulièrement complexe de la Colombie.

L’aspect plaidoyer du travail de PBI m’intéresse particulièrement, je suis pressée de m’y confronter. Le travail de terrain de PBI auprès des défenseur.e.s est essentiel,  mais j’ai hâte de voir la manière dont s’organisent les « maillons » de la chaîne PBI, de l’accompagnement physique à la rencontre avec les autorités, du travail d’observation à la manière dont peuvent remonter les informations collectées sur le terrain. Avant, je ne voyais pas l’utilité des actions de plaidoyer, il me semblait qu’on ne serait de toute façon pas écouté, mais en fait ce travail me parait de plus en plus évident. J’ai toujours peur de la langue de bois lors des rendez-vous avec les ambassadeurs, mais je suis contente de me confronter à cet exercice.

Concernant le contexte sécuritaire, je ne suis pas trop inquiète, j’imagine que ce sera moins difficile que le Honduras. C’est toujours un peu difficile de se faire au protocole de sécurité que PBI doit mettre en place car cela instaure un rapport étrange au monde extérieur, nous devons par exemple être attentifs quand nous parlons à quelqu’un d’inconnu. On est obligé d’envisager le pire pour être préparé, et cela peut être pesant, nous ne sommes pas habitués à cela dans nos pays en paix.

As-tu une idée de ce que tu voudrais faire à ton retour ?

Le travail d’accompagnement international est assez addictif, mais comme je ne suis jamais partie aussi longtemps, peut-être que je serai fatiguée de ce travail après 1 an et demi. Ce qui est certain, c’est qu’une fois qu’on est entré dans ce milieu, il est difficile d’en sortir. Je pense donc qu’à priori je continuerai à travailler dans cette sphère : ce travail ouvre beaucoup de perspectives de compréhension du contexte latino-américain ! 

 

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La communauté de paix de San José de Apartadó fête ses 18 ans!

03/04/2015

Tanja Vultier, une volontaire suisse de PBI Colombie raconte son émotion lors de la cérémonie d'anniversaire des 18 ans de la communauté de paix de San José de Apartadó, au Nord-Ouest de la Colombie.

Der Eingang zur Friedensgemeinde

"Je sens l'émotion monter alors que les membres de la communauté de paix déroulent et soulèvent une immense banderole blanche où sont écris les noms des plus de 350 personnes - familles, amis, voisins, qui ont été assassinés par la guérilla, militaire ou paramilitaire, depuis la fondation de San José de Apartadó en 1997.

Pourtant, aujourd'hui est un jour de fête, celui des 18 ans d'existence de cette communauté de paix ! Avec d'autres volontaires, Eduardo et moi nous nous sommes rendus sur place pour participer à cet événement. Comme il est difficile de réaliser l'ampleur de cette tragédie à partir de cette banderole de plastique, je me retourne et compte les personnes qui sont présentes à cette messe de souvenir, célebrée par le père Javier Giraldo. J'aboutis à un total d'une cinquantaine de personnes. Sur la liste, le nombre de noms inscrits est sept fois plus élevé et chacun d'eux était une personnes comme celles qui m'entourent - une mère, un enfant, un frère, une amie. Tous les membres de cette communauté sont des paysans qui cultivent le cacao, le manioc, les bananes, la canne à sucre et le riz. Pour leur plus grand malheur, ils vivent dans l'une des régions de Colombie les plus riches en ressources naturelles, ce qui aiguise de nombreux intérêts économiques. Mon coeur se serre et je me rappelle que c'est bien pour cette raison que je suis là : afin de contribuer à ce qu'à l'avenir, plus aucun nom ne soit inscrit sur cette liste.

Une neutralité mise en danger

Dans le même temps, je m'étonne de la force de ces personnes ! Malgré le deuil, les attaques et les menaces constantes, tous maintiennent leur décision de se tenir à l'écart du conflit armé entre les militaires et paramilitaires, entre une guérilla et une autre. La communauté de paix a été créée en 1997 par nécessité, car des civils étaient accusés d'avoir pris part à la guérilla ou d'avoir soutenu les militaires et étaient condamnés de tous les côtés. Les membres de cette communauté se sont engagés à ne porter aucune arme et à ne fournir aucune information ou aucun soutien logisitque à aucun des acteurs du conflit. Ils espéraient ainsi parvenir à la fin de la terreur et des assassinats.

Malheureusement, leur souhait n'a pas été réalisé et leur droit à la neutralité dans le conflit n'a été respecté par personne. Jusqu'à aujourd'hui, des membres de la communauté ont été menacés ou tués. L'un des massacres les plus terribles est survenu en 2005, lorsque les paramilitaires et les forces gouvernementales ont assassiné deux famillles de manière très brutale. L'un des leaders de la communauté en faisait partie ainsi que deux enfants de 11 et 5 ans et un bébé de 18 mois.

Un gâteau pour chaque année

Les massacres et assassinats ont été beaucoup évoqués durant la journée de fête : de nombreux témoins oculaires ont raconté la cruauté vécue et un grand tableau de Doña Brígida, artiste parmi les fondatrices de la communauté, a permis de faire revivre les événements passés. Cependant, rien de tout cela n'a occulté la joie des succès déjà obtenus et la journée a également été l'occasion d'espérer un avenir meilleur. Le lieu de commémoration était décoré de ballons, guirlandes et régimes de banane et des membres de la communauté avaient confectionné 18 gâteaux différents à partir des ingrédients qu'ils cultivent eux-mêmes, soit un pour chaque année !

"C'est beau de voir comment nous, en tant que simples paysans, juste comme population civile sans arme, avons réussi à rester sur notre terre et à la défendre," raconte Gildardo Tuberquia, l'un des leaders de la communauté, "et nous allons continuer à réussir cela, tant que nous nous organisons." J'espère qu'il a raison et que la communauté pourra encore célébrer de nombreux anniversaires !"

Retrouvez la vidéo réalisée par PBI Colombie"The Haven" en cliquant ici, et la vidéo réalisée par Tanja et un autre volontaire suisse, Eduardo, sur le site de PBI Suisse.

 

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Rapport annuel de PBI Colombie 2014

01/04/2015

Retrouvez le rapport annuel de PBI Colombie pour l'année 2014, revenant sur son travail d'accompagnement auprès des défenseur.e.s des droits humains à Bogotá, Barrancabermeja et Apartadó, ainsi que ses activités au niveau international.

Pour le lire, cliquez ici: rapport de PBI-Colombie 2014

 

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Négociations de Paix, victimes et restitution des terres

15/09/2014

Depuis le 18 octobre 2012, le gouvernement de Juan Manuel Santos et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) sont officiellement à la table des négociations pour tenter d’arriver à un accord qui marquerait la fin d’un conflit armé qui aura duré plus de 50 ans et qui, selon le dernier rapport du Centro Nacional de Memoria Histórica (CNMH) récemment remis au Président Santos, aura provoqué entre 1958 et 2012, plus de  220.000 assassinats, dont 80% parmi les civils.

Après une première phase d’approche et de contacts menés dans le plus grand secret au cours de l’année 2012, les négociations se font aujourd’hui de manière ouverte. Les deux parties comptent s’accorder sur 5 points clefs avant l’approbation finale et la mise en place des termes de ces accords :

  1. Le développement des zones rurales (“desarrollo agrario integral”) ;

  2. La participation politique, c’est-à-dire l’autorisation pour les membres des FARC de réintégrer la vie politique du pays ;

  3. La fin du conflit et le dépôt des armes ;

  4. La solution au problème de la production de drogue ;

  5. L’identification et la réparation due aux victimes du conflit.

Des accords ont été trouvés sur les points n°2 (en novembre 2013) puis n°1 (en mai 2014).

Les trois derniers points restent en cours de négociations, et c’est notamment sur le dernier point que des controverses ont vu le jour dans le pays.

En effet, il a été décidé au début du mois de juin par les deux parties qu’un groupe de personnes victimes du conflit allait participer aux négociations. Si cette initiative a été applaudie par le Haut Commissariat des Nations unies pour les droits de l’Homme, par la voix de son porte-parole Rupert Colville, la décision ne fait pas l’unanimité.

Premièrement, il semble impossible de représenter toutes les victimes de chacun des groupes ethniques de Colombie, tout comme il est impossible de répertorier tous les faits ayant causé un dommage à certaines personnes. Bien qu’il ait effectivement reconnu que ceci représentait une «expérience unique, qui n’a jamais été tentée auparavant », le représentant de l’ONU en Colombie, Fabrizio Hochschild, a cependant concédé qu’il serait « impossible de représenter les 6,5 millions de personnes victimes du conflit ». La controverse porte également sur le fait que des militaires et des policiers fassent partie des groupes de victimes qui feront le voyage jusqu’à La Havane. Ceux-ci pourront effectivement bénéficier de la « Ley de Víctimas » qui garantit réparation à toutes les victimes du conflit.

De plus, les FARC eux-mêmes ont demandés à être reconnus comme victimes du conflit. Ce point doit être discuté lors des prochaines négociations.

Enfin, malgré le fait que ce point doive, selon les parties elles-mêmes, répondre aux principes de vérité, justice, réparation, garantie de non répétition des faits, et de respect des droits humains, Amnesty International dénonce le fait qu’il n’y ait aucun engagement quant à la traduction en justice des responsables de potentiels crimes contre l’Humanité au terme des négociations.

Au-delà de ces controverses, le fait que les victimes participent aux négociations est une manière forte de reconnaître leur existence, et par là-même, la nécessité de réparer les dommages qui leur ont été causés. Ceci reste un point clef des négociations, d’autant plus que PBI continue à recenser de nouvelles victimes et de nouvelles menaces.

Le Rapport global sur les déplacements forcés (Informe Global de Desplazamiento Forzado) confirme en effet que la Colombie est le pays d’Amérique latine comptant le plus de personnes déplacées (5,7 millions sur les 6 millions que compte le continent) et le second pays au monde après la Syrie. Les principaux responsables de cette crise humanitaire sont les groupes armés. La Comunidad Intereclesial de Justicia y Paz (CIJP) accompagnée par PBI, se bat aujourd’hui pour qu’un Espace Humanitaire soit créé dans le secteur de Puente Nayero pour interdire l’accès à cette zone aux néo-paramilitaires et aux bandes criminelles. Dans ce contexte de lutte, le défenseur des droits humains Danilo Rueda a récemment été menacé par un homme armé.

Par ailleurs, les menaces contre les défenseur.e.s pour la restitution des terres se multiplient. Les deux principaux leaders accompagnés par PBI dans la région du Curbaradó, Yomaira Mendoza et Enrique Cabeza continuent de recevoir des menaces de mort, notamment après avoir témoigné contre les expulsions auprès de la gendarmerie, et après que Mme Mendoza ait reçu la visite et l’appui de l’Ambassadeur de Norvège, Lars Vaagen. En effet, ces deux défenseurs ont aujourd’hui un rôle clef dans le processus judiciaire en cours contre les entreprises de plantation de bananes, de palmiers et les éleveurs qui occupent des terres de manière illégale dans les régions d’Apartadocito, Llano Rico, El Cerrao, San Rafael et une partie de l’Andalucía. Ces défenseurs ont dû quitter leur propre résidence pour se rendre à Bogotá où leur sécurité n’est toujours pas assurée de manière optimale, malgré les promesses du gouvernement. En effet, le rapport du Haut Commissariat des Nations unies pour les droits de l’Homme retient qu' « il existe encore des difficultés pour garantir les droits de ceux qui réclament la restitution des terres ». Concrètement, Yomaira Mendoza et Enrique Cabeza ont tous deux été victimes de plus de 80 événements menaçant leur sécurité et aucune enquête n’a véritablement été lancée pour déterminer les responsables de ces agressions. La CIJP considère qu’elles sont le fait de groupes paramilitaires qui, selon certaines dénonciations, agissent pour le compte d’entreprises qui aujourd’hui occupent les terres sans permis, et qui ont été identifiées comme telles par l’Institut Colombien du développement rural (Instituto Colombiano del Desarrollo Rural (Incoder)). PBI a donc fait paraître une alerte sur ce sujet le 27 juin 2014, mettant en lumière le fait que les moyens de protection mis en place par l'État n’étaient pas suffisants. Par cette alerte, PBI a également demandé à la communauté internationale d’appuyer les initiatives de la CIJP, qui demande notamment que les ministères compétents mettent en place des plans de restitution des terres et de garantie de la sécurité de leurs occupants, notamment au sein des Zones Humanitaires. La CIJP demande également que soit assurée la sécurité des défenseur.e.s leaders de la restitution des terres et que des enquêtes soient lancées de manière coordonnée pour identifier les auteurs des agressions dont ont été victimes les communautés du Curbaradó, et tout particulièrement pour dénoncer la présence de néo-paramilitaires et leurs relations avec les occupants illégaux de ces terres.

Les initiatives de PBI s’inscrivent donc dans le cadre politique national. En effet, des victimes d’extorsion et d’occupation des terres comptent parmi la première délégation de victimes qui a fait le voyage jusqu’à La Havane le 16 août dernier, aux côtés de victimes issues de la tribu indigène Wayúu également suivies par PBI…

 

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La protection des DDH absente des Négociations de Paix

16/06/2014

Ce dimanche 15 juin 2014, les Colombiens ont réélu Juan Manuel Santos au second tour présidentiel, lui permettant ainsi de poursuivre le processus de paix avec les guérillas d’extrême gauche, pour mettre fin au conflit armé qui a ravagé le pays pendant plus d’un demi-siècle. Les dialogues entre les FARC et l’Etat colombien ont commencé en 2012. En novembre 2013, ils ont réussi à se mettre d’accord sur l’un des sujets importants qui est la participation politique, avec notamment une garantie de participation politique directe pour les mouvements sociaux.

PBI déplore cependant que rien n’ait été prévu sur la façon de garantir le travail des défenseur.e.s et organisations de droits de l'Homme.

Défenseur.e des droits de l’Homme: activité à haut risque

Entre 2009 et 2013, 219 défenseur.e.s des droits des hommes (DDH) ont été tués en Colombie. Malgré des progrès en matière de protection, les agressions augmentent chaque année.

Donc même s’il y a une volonté d’instaurer la paix, la défense des droits humains reste une activité à haut risque en Colombie et elle le restera tant qu’il n’y aura pas de vraies mesures politiques pour les protéger. De plus, l’une des plaintes des DDH est l’absence de progrès dans les enquêtes sur les meurtres des activistes des droits humains. En effet, il y a une impunité dans 95% des affaires de meurtres entre 2009 et 2013, et de 100% lorsqu’il s’agit de menaces.

PBI Colombie demande:

- Une reconnaissance publique des DDH par le président colombien et les hauts fonctionnaires du gouvernement.

- La mise en place d’actions qui obligent les autorités régionales à mettre en œuvre les accords nationaux.

- Le Rapporteur spécial sur la situation des DDH recommande également que la Colombie assure aux DDH le droit d’exercer leur travail dans un cadre juridique, institutionnel et administratif favorable.

 

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Soirée projection-débat autour de "Pais Errante", le 20 juin à Montreuil

15/06/2014

PBI France organise une soirée projection-débat autour du film documentaire Pais Errante, le vendredi 20 juin à partir de 20h à Montreuil (Simplon.co, 55 rue de Vincennes). 

Pais Errante traite de la situation des droits de l'Homme en Colombie, mais surtout des déplacements forcés et de la lutte des communautés déplacées pour retourner sur leurs terres. PBI accompagne certaines de ces communautés dans leur retour sur leurs terres, notamment dans la région d'Uraba. 

La projection sera suivie d'un débat avec Alice Tabard, la réalisatrice, et Pauline Liss, ex volontaire de PBI en Colombie. 

Entrée gratuite, participation libre. 

Visionnez la bande-annonce du film

Réservez votre place ici! 

Relayez notre événement via facebook. 

Nous vous attendons nombreux! 

 

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Nouvelles du projet Colombie

09/05/2014 

Le 20 février, PBI Colombia participait au Séminaire de la Délégation Européenne "Focus sur les droits de l'Homme" à Bruxelles, organisée par le Service européen pour l'action extérieure (SEAE). Le but de cette réunion internationale était de partager les bonnes pratiques et les défis rencontrés par PBI au cours des dix dernières années de travail sur le terrain depuis la mise en place en 2004 des Directives européennes relatives aux défenseurs des droits de l'Homme. 

PBI Colombia a ainsi pu partager ses conclusions et analyses avec plus de 100 pays, 5 représentations permanentes de pays membres et des membres du SEAE et de la Commission européenne.

Dans ce cadre, PBI a interviewé plusieurs défenseur.e.s colombiens, mexicains et guatémaltèques. Ces documents vidéo attestent du bilan positif de la mise en places des Directives européennes, puisque la plupart des défenseurs accompagnés ont témoigné avoir pu bénéficier de mesures de protection spécifiques implémentées grâces au Directives (réunions multilatérales, délégations envoyées sur le terrain pour faire l'intermédiaire entre les défenseurs et les autorités locales, observation d'audiences, dialogue avec les gouvernements sur des cas de mise en danger des droits de l'Homme, accompagnements physiques ...). Dans tous ces cas, les défenseur.e.s ont jugé les actions liées aux Directives extrêmement utiles.

Cependant la mise en place de ces Directives représente encore des défis en Colombie. Le premier  est le fait de faire connaitre ces directives par tous les défenseur.e.s, et ce même dans les endroits les plus reculés et les plus difficiles à atteindre ;  ces zones rurales étant, la plupart du temps, des zones à haut risque pour les défenseur.e.s. La seconde action à mettre en place et développer afin de rendre ces directives véritablement efficaces est le suivi des actions lancées par l'UE dans le cadre de ces Directives. En effet, actuellement, le manque de moyens humains permet rarement de mettre en place un suivi précis sur le long terme.

Enfin, l’UE se trouve prise en étau entre ses devoirs de défense des droits de l’Homme et certains intérêts commerciaux, tels que l'exploitation de terres où vivent aujourd'hui des communautés indigènes, l'appui aux mégaprojets d'entreprises européennes ...

Tous les défenseur.e.s s'accordent à dire que ces Directives sont essentielles et doivent être renforcées autant que possible. 

Ceci est d'autant plus crucial que les menaces contre les défenseurs, et les manifestions de violences en général, ont encore augmenté en 2013 dans le pays. 

En effet, les rapports des ONG et organisations internationales font état d'une augmentation de 2,4% du nombre d'agressions contre les défenseur.e.s ente 2012 et 2013; le nombre de ces agressions n'avait pas été aussi élevé depuis 10 ans. Le nombre de menaces et surtout d'assassinats est également de plus en plus préoccupant puis qu'il est passé de 49 enregistrés en 2011, à 69 en 2012, puis 78 en 2013. Selon les défenseur.e.s, les chiffres de 2014 continuent d'augmenter.

Selon le rapport du Bureau de la Haut-Commissaire des Nations unies pour les droits de l'Homme en Colombie présenté le 26 mars 2014, l'une des causes de cette situation est effectivement le "manque de coordination entre les institutions et de volonté politique d'assumer la responsabilité de violations des droits de l’Homme", ainsi que la vulnérabilité des défenseur.e.s qui travaillent aujourd'hui dans des zones rurales difficiles d'accès et où le Haut-Commissariat n'est pas toujours présent. 

Le Système d'information sur les agressions contre les défenseur.e.s des droits de l'Homme (Siaddhh) indique que dans 49% des cas, les groupes paramilitaires sont responsables de ces agressions, 32% des auteurs restant des personnes non identifiées, et  15% identifiés comme des membres des forces de sécurité de l'Etat. La guérilla est la source de 4% des cas d'agressions.

Les victimes de cette violence restent principalement les collectifs d'avocats (notamment selon la Procuraduría General de la Nación) ou de journalistes (défendus par la "Fundación para la Libertad de Prensa" (FLIP)), les leaders de la lutte pour la restitution des terres aux communautés déplacées (selon le programme « Somos Defensores », 15 leaders paysans ont été assassinés en 2013 contre 3 en  2012) et les femmes qui aujourd'hui prennent la tête de collectifs de défense des droits sociaux et humains (11 homicides en 2013 contre 6 en 2012). 

Dans ce contexte, les élections législatives qui se sont tenues le 9 mars dernier ont vu le Partido de la U de l’actuel Président Juan Manuel Santos obtenir 21 sièges au Congrès, devant le parti d'Alvaro Uribe Centro Democrático-Mano Firme Corazón Grande et le Partido Conservador Colombiano avec 19 sièges chacun. Les personnes pressenties pour occuper les postes de sénateurs au sein du Congrès sont des personnalités historiques fortes dans le paysage politique colombien (l'ex-Président de la République Alvaro Uribe, deux ex-présidents de l'Assemblée nationale...), ce qui selon les analystes, devrait donner un poids accru au Sénat. Cependant, le taux d'abstention (56,5%) et de votes blancs (10,38% pour le Sénat et 12,23% pour la Chambre des représentants) indique le peu de lien entre les élus politiques et leurs électeurs. 

Les revendications des communautés et des personnes victimes de violations de leurs droits devront cependant être prises en considération dans les décisions politiques du pays afin de lutter contre l'augmentation continue de la violence.

 

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Hausse de la violence contre les activistes et assassinat d'un leader de la restitution des terres

15/05/2014

Les rapports annuels publiés par diverses organisations nationales et internationales démontrent que les violations des droits de l’Homme sur le territoire colombien continuent d’être un problème sérieux. Par exemple, durant l'année 2013, 78 défenseur.e.s des droits humains (DDH) ont été assassiné.e.s contre 69 en 2012 et 49 en 2011. 

Violence en 2014: chiffres alarmants

Selon la plateforme "We are Defenders", la tendance à la violence pour 2014 se confirme déjà. Entre janvier et mars, 96 attaques ont été enregistrées contre 45 à la même période en 2013. Toujours entre janvier et mars 2014, 16 DDH ont été tués contre 15 à la même période l'année précédente.

Selon le rapport du bureau colombien du Haut-commissariat aux droits de l’Homme, ces chiffres élevés s’expliquent par une coordination insuffisante entre les institutions et le manque de volonté d’assumer les responsabilités pour les violations des droits humains de la part du gouvernement colombien. De plus, étant donné l’isolement rural de beaucoup d’activistes, il est courant que l’absence d’une entité étatique encourage les attaques.

Les auteurs

Les auteurs de ces agressions sont souvent des groupes néo-paramilitaires (ou « post-démobilisation »), les forces armées ou encore la guérilla. Ceux-ci sont souvent dérangés par les activités des défenseur.e.s des droits humains, qui dénoncent leurs pratiques et réclament justice.

Les groupes à risque

Les individus encourant le plus haut risque d’agression sont en majorité des individus impliqués dans des activités de défense des droits de l'Homme tels que des avocats, des journalistes, des femmes ainsi que des personnes déplacées réclamant la restitution de leurs terres. Ceux-ci sont victimes entre autres de menaces de mort, d’intimidation, d’emprisonnement arbitraire, de disparitions et déplacements forcés, de tentatives d’assassinat ou même de meurtre.

Assassinat du leader d’une association de restitution des terres

En effet, le 9 avril 2014, Adán Quinto a été assassiné près de son domicile dans la ville de Turbo (Antiquia). Ce dernier était le chef de l’association Nouveau retour à Cacarica, une association militant pour la restitution des terres aux peuples déplacés. Son assassinat a donné suite à des dénonciations provenant de plusieurs organisations internationales, dont Peace Brigades International, qui réclament une procédure juridique pertinente ainsi que des mesures de prévention et de protection pour les autres activistes.

 

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Mars 2014 : 2 défenseurs colombiens à Paris pour dénoncer les déplacements forcés dans la région d'Urabá

02/03/2014

La région d'Urabá, dans le Nord Ouest de la Colombie, est d'une grande importance géostratégique pour le pays du fait de sa position le long de la frontière avec le Panama, de sa proximité avec le canal du Panama mais aussi de ses ressources naturelles (sous-sol très riche en minéraux et combustibles fossiles).

En février 1997, l’opération Genesis organisée par l’armée et des groupes paramilitaires a provoqué le déplacement de 4 000 personnes habitant la zone du fleuve de Cacarica et l’assassinat de dirigeants emblématiques. Si cette opération avait officiellement pour objectif de combattre les FARC, elle a généré en réalité meurtres, torture, disparition et déplacements forcés. Selon Danilo Rueda, un membre de la Commission Inter-ecclésiale Justice et Paix (CIJP), les motivations n'étaient pas pacifiques mais bel et bien économiques avec pour objectif de s'approprier les richesses du sous sol et agricoles de la région.

Les habitants ont dû quitter leurs terres pendant 4 ans, vivant dans des conditions particulièrement précaires, avant d’engager un retour en 2001 en créant les premières Zones Humanitaires pour tenter de survivre au cœur du conflit colombien. Ces Zones Humanitaires sont reconnues dans le Droit International Humanitaire comme des zones civiles clairement identifiées qui ne doivent être attaquées par aucun des acteurs armés du conflit.

Les habitants militent depuis lors pour la restitution de leurs terres. La Commission Inter-ecclésiale Justice et Paix (CIJP) a joué un grand rôle dans ce cadre : elle accompagne les communautés de Cacarica depuis 17 ans pour leur permettre d’obtenir justice. Elle promeut la protection intégrale du territoire, la défense des droits des communautés face à l’industrie des agro-combustibles et ses conséquences sur la sécurité alimentaire et dénonce également les abus des forces armées. Face au manque d’avancée au niveau national, les avocats de la CIJP ont porté l’affaire devant le système interaméricain en 2003, permettant d’obtenir en décembre 2013 de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme la condamnation historique de l’Etat colombien pour déplacement forcé, organisation de l’opération et assassinat de dirigeant. C’est la première fois qu’un Etat est condamné pour déplacement massif de communautés afro descendantes.

 

Pourtant, malgré cette première victoire, la situation reste difficile sur le terrain.

Alors que les négociations de paix ont débuté en Colombie en 2012, les attaques contre les défenseurs des droits de l’Homme n’ont jamais été aussi nombreuses : en 2013, 78 ont été assassinés. Les principales victimes de ces agressions sont des défenseur.e.s d’organisations de base habitant dans des zones reculées du pays. Les membres des communautés de déplacés sont eux aussi victimes de nombreuses menaces : beaucoup sont victimes de persécution judiciaire et harcèlements et plusieurs ont dû recourir à nouveau à l’exil pour se protéger.

A cause de ce travail, les membres de la CIJP ont été victimes de nombreux incidents de sécurité, dont de graves menaces à leur intégrité physique, des opérations de surveillances illégales, des tentatives d’assassinats, des séquestrations et une campagne de diffamation. C’est pour cela qu’ils bénéficient de mesures de protection de la Commission interaméricaine des droits de l’Homme depuis 2003, date à laquelle ces menaces se sont intensifiées.

Les Brigades de Paix Internationales, présentes en Colombie depuis 1994, accompagnent ces défenseur.e.s sur le terrain afin de leur permettre de continuer leur travail courageux et dangereux en dépit des menaces qui pèsent sur eux.

La section française des Brigades Internationales de la Paix accueille en mars 2014 deux défenseurs colombiens, le père Alberto Franco (membre de la CIJP) et Janis Orejuela (représentant des communautés de déplacés de Cacarica), dans le cadre d'une tournée européenne pour évoquer leur combat pour la justice et leur lutte contre l’impunité dans ce cas spécifique des déplacés du fleuve de Cacarica.

Leur visite en France permettra d'attirer l’attention des autorités et de la population sur la problématique des déplacements forcés et la persistance des groupes paramilitaires, mais aussi d'établir et renforcer les relations avec les organisations de la société civile.

L'agenda des défenseurs à Paris sera bien rempli. Au programme : conférence publique le vendredi 14 mars à la maison de l'Amérique Latine, rendez vous au Ministère des Affaires Étrangères et au barreau de Paris, rencontres avec des ONG françaises, des journalistes et participation à la journée d'initiation de PBI France.

Lien vers le site de l'association CIJP

Lien vers une vidéo du père Alberto Franco 

 

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Risques et défis des avocats des droits de l'Homme en Colombie

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